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Baptême d'artillerie pour le maire d'Épargnes

Avertissement :

Les textes, rapports, journaux, cahiers de marches, notes etc., rédigés par des membres du Garde Chauvin, n’ont pour but que d’amuser l’adhérent ou le lecteur passionné d’histoire, d’humour et de caricatures, le tout devant être pris au second degré et au-delà. Chacun des auteurs décrivant à sa façon ce qu’il a vécu ou vu au cours d’une manifestation ou animation de reconstitution historique. Le texte original est alors modifié par la « rédaction impériale », transformé, remis dans un contexte historique en y ajoutant des expressions populaires du temps, de l’argot, voire des mots provenant de dialectes ou patois régionaux et de courtes citations cinématographiques. L’ensemble du texte est ensuite soumis au contrôle de « correcteurs » qui vérifient l’orthographe plutôt que les règles grammaticales souvent mises à mal. Soyez indulgents et ne prenez jamais le contenu de ces textes pour parole d’Evangile.



photo du sergent Tire-Bourre
Sergent Tire-Bourre


A l’attention du Commandant par intérim du 8ème B.O.M.M.




Journal de marche du Sergent Tire-Bourre,

Chef de la 1ère batterie, 1ère compagnie du 3ème Régiment d’artillerie de marine

Opération « Souvenirs & Découverte » du 27 et 28 mai 2023 à Epargnes



Tire de canon de monsieur le maire d'Épargnes, Frédéric Duret ©Requiem - Garde Chauvin
Tire de canon de monsieur le maire d'Épargnes, Frédéric Duret ©Requiem - Garde Chauvin



Vendredi 26 mai.

Etaient présents : Vous-même, le Cdt Lumière-Céleste, l’ingénieur de seconde classe Pépé-Camomille, le sergent-Légionnaire La Franchise, le caporal-fourrier Requiem, l’appointé-caporal Mieux-Vaut-Tard, les ouvriers Plan-Plan, Cambrésis et Personne, le second-maître Lapérouse, le quartier-maître cambusier La Garouille, le matelot Marsouin, Les cantinière La Patience et La Fidèle, le médecin-major Doc-Abel, sa dame Mme Tallien, le Hussards l’Etrille et deux de ses compagnons, et enfin, les canonniers de marine Le Brutal, La Joie et moi-même, le sergent-légionnaire Tire-Bourre.

L’adjudant-sous-officier La Plume, n’a pu rejoindre, indisposé, il est resté à l’infirmerie.


16H00. Rassemblement de la 1ère Cie du 3ème régiment d’artillerie de marine, sis au petit dépôt d’Aubigny-Les-Grandes-Eaux.

C'est à la demande du premier magistrat de la commune d'Epargnes, le citoyen Frédéric Duret, que le bataillon mixte des troupes de marine de l’arsenal de Rochefort, sous les ordres de notre illustre chef, le Cdt Lumière-Céleste, s’est rendu en mission spéciale, codée SD02 : « Souvenirs & Découverte » par le Préfet maritime. Dans le but de rendre hommage aux braves de la commune d’Epargnes tombés sur les divers champs d’honneur depuis aujourd’hui (nous sommes sous l’Empire) et au cours des futurs conflits qui ne manqueront pas d’arriver (Les écrits de Nostradamus nous le prédisent !). D’autre part, l’édile du village souhaitait faire découvrir à ses administrés, les différentes troupes de marine défendant le littoral charentais, soit : des ouvriers militaires de la marine, des matelots de flottille, des canonniers de marine et quelques hussards poitevins de passage en Charente-Inférieure.

Mais revenons au tout début, soit au petit dépôt du 3ème d’artillerie de marine à Aubigny-Les-Grandes-Eaux. C’est le canonnier de 1ère classe Le Brutal qui franchit le fameux pont-levis du dépôt, dont il est inutile de décrire l’environnement*, seule l’image du bâtiment central où loge le détachement vendéen, suffira à vous donner une idée de notre impériale dépôt d’Aubigny. Toutefois, on attend quelques subsides du Préfet maritime et le remboursement des soldes « empruntées » par le Maréchal Masséna, au Portugal ces 15 dernières années, pour renforcer l’étanchéité de not’ toiture.

*Voir les précédents journaux de marche déjà publiés.



locaux administratifs

Locaux administratifs du petit dépôt d’Aubigny







16H30. Arrivée du canonnier La Joie, qui salue son sergent (moi-même) avec respect. Après avoir abreuvé ses mulets nous les attelons aux avant-trains d’artillerie et prenons la grand’route pour le sud du département de la Charente-inférieure. Hélas, plus longue que prévue, car des brigands vendéens ont fait sauter le pont de Brault, sur le Sèvre Niortaise, à la sortie du département de la Vendée, et tout ça, à la barbe des vieux canonniers d’la 62ème Cie d’Garde-côtes du coin, peu vigilants sur cet important axe routier. Bref, c’est l’bordel quand on n’est pas là !



19H30. Notre charroi arrive enfin sur le campement d’Epargnes et prenons, aussi-sec, les ordres du commandant qui a déjà rassemblé sa troupe : « Messieurs, c’te fois, on va changer un peu l’programme..., on va faire comme d'habitude..., mais on va l’faire bien ! C’est vu ? Exécution ! ». Nous aut’ canonniers d’marine, on ne se sent pas très concernés, car il doit adresser ces propos à la piétaille, voire aux sans-dents de la marine. Un artilleur de marine fait toujours bien les choses, c’est connu depuis le Big-Bang, ça ! Notons qu’il est arrivé, quelque fois, qu’on fasse mieux encore, mais ce serait se vanter. Un canonnier de marine se doit de rester modeste.

Les rangs rompus, nous retournons à nos tentes en cours de montage. Les vents dominants venant du sud-ouest, j’hume soudain le fumet spécial et unique du cavalier démonté, sorte d’odeur nauséabonde composée d’un mélange subtil de fumier d’cheval ayant la courante, de transpiration humaine de trappeur, peut-être même de putois en décomposition, et d’vin d’messe bouchonné, Bref ! Ça fouette dur ! Mais mon attention est attirée par l’étrange tremblement des chevaux, blottis les uns contre les autres, derrières les arbres. De plus, ils transpirent et leurs yeux sont désorbités. Que se passe-t-il donc ? Soudain ! J’comprends tout ! Not’ cambusier La Garouille, le Croqueur d’équidés, le Minguélé des quatre-pattes, dit aussi, Popaul-Le-fou, est là, présent à deux pas de l’enclos, en totale infraction aux instructions de la SPA (C’est un service spécial de vétérinaires de l’armée). Il monte, avec beaucoup d’enthousiasme, sa cambuse, et particulièrement de grandes tablées sur lesquelles est alignée une flopée de coutelas de différentes tailles, près d’une grande potence. Sa présence incitera les hussards à monter la garde de l’enclos, 24h/24h, surtout du côté d’la cambuse. Le hussard l’Etrille, n’envisagera jamais d’rentrer chez lui sans son pote de canasson. Soit, l’est pas prêteur ou l’est végan, le garçon !



20H00. Le camp est pratiquement opérationnel, notre canon (Namoi à moi) est en place. Notre cuisine (pas roulante) La Goulue l’est aussi. Mes canonniers, sur mes instructions, ont dressé la table N° 2 sous le auvent N° 2, c’est-à-dire les plus petits du dépôt, afin d’empêcher les intrus de s’y installer à l’insu de notre plein gré. On les connaît ces malpolis d’OMM, ces toujours-faims, ces parasites de Tarets (vers de vase qui bouffent même la coque des vaisseaux), lorsque notre marmite rejette dans l’atmosphère, l’odeur de not’ rata quotidien.

L’comandant nous informe que nous sommes tous conviés à un "apéritif dinatoire" offert par la populace locale et son chef de maire. Nous sommes servis par de charmantes dames, en pamoison devant nos collets rouges de canonniers. L’premier qui osera dire que l'habit ne fait pas l’moine, s’prendra un pain de quatre livres sur le museau et Le Brutal l’achèvera en lui beurrant ses tartines sur le pif, vu ! Nous passons là d’agréables instants de convivialité.



20H30. Une estafette m’apporte un étrange message du canonnier Le Brutal, parti chercher de la paille dans un hameau voisin : " Mon sergent, j’suis avec le fournisseur de paille, Stop ! Le cadenas du tombereau vient d’casser. Stop ! Du coup les chevaux font la grève. Stop ! Faut trouver la femme du pécore qui vous conduira à nous. Stop & Fin !". Diantre de fichtrerie de coureuse de rempart de gourgandine de suceuse d'héritage de putrelle. Que j’me dis ! Que diable est-il allé faire dans cette galère ? Bon, j’déambule parmi le peuple à la recherche de la drôlesse, que j’trouve enfin, et l’informe du problème. Elle semble trouver la situation cocasse et me propose de la suivre, en « bel artilleur » que je suis, me dit-elle. J’suis flatté de ce qualificatif, mais ce n’est là que vérité vraie. Cependant, je sens comme une crainte monter en moi (oui, une crainte, rien d’autre …), lorsqu’elle me prend, peu farouchement, par le bras et me conduit jusqu’à son cabriolet déjà attelé à un beau cheval. Je rejoins mon chariot et tente de suivre la bourgeoise, qui galope à vive allure sur les petits sentiers qui bordent les vignes du coin. Cet éloignement du village et de la civilisation ne me dit rien de bon. J’ai un peu peur pour mon honneur et ma moralité physique de gentilhomme, ne soient bafoués par cette créature locale. J’préfère de loin les terribles insurgés espagnols et leurs carnassières compagnes. Ca sent l’piège, j’tire sur les rênes pour prendre un peu de distance avec l’effrontée donzelle. Puis nous arrivons devant une cahute, sorte de grange où nous attendent Le Brutal et le mari de la bouillonnante dame, qui semble un peu déçue de mon peu d’empressement à la suivre de près. Bref ! La morale est sauve, moi aussi. A trois, nous transbahutons les ballots de paille, du tombereau au chariot d’artillerie, puis nous retournons vers le campement.



21H20. J’allume le feu sous La Goulue et commence la préparation de pizzas, façon Ré dé Napoli (Roi de Naples), en souvenir de nos campagnes d'Italie. Les aut’ mangent, sous l’Tivoli d’la cambuse, leur gamelle de fayots centenaires, agrémentés de lard rance. Ils nous jettent parfois de maudits regards, qui ressemblent plus à des tirs de mousquets qu’à aut’ chose. Comme nous sommes blindés, ces plombs fictifs s’écrasent sur notre indifférence ! Na ! Le reste de la soirée se passe tranquillement, les ouvriers viennent boire le coup avec nous, d’autres fouillent sous notre table, s’il reste des micro-morceaux de pizza, voire une olive, même préalablement mâchée. Quelle tristesse !

A l’horizon, le soleil couchant laisse entrevoir ses derniers et rougeoyants rayons, sur l’océan, nous indiquant qu’il est temps pour nous aut’ de regagner nos pénates. Les conversations sur le camp s’estompent doucement dans la pénombre. Seule la tente de notre commandant suprême reste toujours illuminée la nuit, sorte de phare qui guide nos pas dans le noir.



23H30. Unesirène retentie bruyamment dans la nuit noire et par intermittence. Je sursaute et crie tout fort à mes compagnons d’rejoindre leurs abris, les boches nous bombardent. Mais j’reprends mes esprits et retourne au XVIIIe siècle. Ce sont, présentement, des cris de femme qui viennent de la tente du cambusier La Garouille. « Diable ! » que j’me dis, l’est pas manchot l’compère à son âge, mais c’n’est pas une heure pour faire des galipettes, comme le faisait aut’ fois l’Archin avec sa Brutale au camp d’Frontenay Rohan-Rohan. Mais hélas, il s’agit de cris de douleurs, la Patience, souffre énormément du dos. L’cambusier informe le commandant qu’il fait appel -grâce aux lanternes du Télégraphe Chappe local- au service de santé pour l’évacuation de sa moitié. Bien trop longtemps après, une ambulance volante de type Larrey arrive, un despotat* et un brancardier prennent en charge la patiente et l’emmènent vers un hôpital du coin. Après lui avoir donné un simple calmant, ils la lâcheront, vers 2 heures du matin, en pleine cambrousse. Bravo la Médecine ! Et ce sera, hélas, comme ça, jusqu’en l’an 2023 et bien au-delà, d’après Nostradamus qui l’a écrit en 1412 dans ses prédictions.

*Ou dépostât, infirmier.


Le silence revient sur le camp, mes deux compagnons d’infortune sortent d’un fossé où ils s’étaient réfugiés, sans comprendre ce qu’il venait de se passer. Le Brutal me demandant même où étaient les Fridolins, « Va t’coucher ! » j’y réponds !




Samedi 27mai.

6H00. Diane etréveil. J’ravive les braises pour préparer le p’tit dèj de mes canonniers.


7H00. Réveil (enfin !) de la troupe, qui, comme d’habitude, se fait en désordre. L'eau chaude frémit dans la gamelle et la gâche de Vendée est bien dorée à la flamme. Bref ! Ca sent le café-noisette et… le Napalm, comme le dira, plus tard, un obscur officier de cavalerie américaine au Vietnam : « J'aime l'odeur du Napalm au petit déjeuner ! »* En effet le café-noisette a toujours tendance à attirer les convoitises et certains seraient prêts à vendre leurs sœurs pour une gorgée de ce nectar d’artilleurs de marine.

*Voir le film Apocalypse now, ou les prédictions de Nostradamus.



8H00. Pré-rassemblement en petite tenue du moment, pour annoncer le rassemblement « officiel » de 9h.



9H00. Plan, plan, plan !Rassemblement en arme, salut et levée des couleurs, puis lecture de l’ordre du jour. Les rangs sont rompus et chaque escouade se met à la disposition de son caporal pour l’école du soldat. Le caporal-fourrier Requiem continue ses inventaires et supervise, en compagnie des sergents, le travail de la troupe.



10H00. Plan, plan, plan !Rassemblement en tenue adéquate, et départ en ordre serré, drapeau/aigle en tête, vers le monument dédié aux morts de la commune. Bon, comme d'habitude, sur not’ martial passage, les hommes se découvrent et nous saluent avec respect et envie tandis que les dames nous saluent seulement avec envie... ! Mais que voulez-vous ? C’est le prestige de l’uniforme. Sans ce mâle accessoire vestimentaire, elles nous marcheraient dessus comme sur un vulgaire tapis d’sol. Si Dieu a créé l’uniforme, c’est bien pour faciliter la reproduction des hommes, et compléter ainsi les rangs de nos armées. Nous arrivons face au monument. Le commandant nous fait aligner sur un rang, les cavaliers se placent sur le côté de l’église, et face à la troupe. Les chevaux en profitent pour fertiliser la pelouse desséchée par la canicule. Sur le monument sont gravés les noms de nos illustres prédécess… heu ! Successeurs, car 1870, 14/18, 39/45 et l’Indochine c’est pour plus tard. Le Maire fait un long discours empli d’émotion et de sincérité et rappelle le sacrifice suprême de tous ces soldats morts pour la patrie. Il énumère quelques noms de soldats de la commune morts sous l’Empire*, dont certains patronymes sont inscrits sur le monument. Des familles existeront encore en 2023. Une magistrale Marseillaise est entonnée par toutes les voix de l’assemblée, certes, parfois recouvertes par celle, très sonore, du Porte-Aigle, Pépé-Camomille, notre Luis Mariano à nous. Il paraîtrait même, mais ne sont-ce là que des commérages, des menteries, qu’avec l’écho, portant à plus de 60 lieux à la ronde, tous les policiers, gendarmes, pompiers et militaires se sont mis au garde à vous. Fantastique !

*Noms retrouvés dans les archives grâce aux travaux de la section « Recherches » du GC.



12H00. Après les congratulations d’usage près du monument aux morts, retour au camp, formation des faisceaux et quartier-libre. Quant à moi, je m’lance dans la préparation d’un filet mignon de porc au miel aigre doux, accompagné de nouilles à l’italienne, le tout, sauté aux champignons noirs du Périgord, fromage à caractère au lait cru d’Surgères et enfin, fruits de saison. Un p’tit en-cas d’canonnier d’marine, un simple casse-dalle, quoi ! Certains ouvriers, observant ce spectacle culinaire, en pleuraient. Comme c’est curieux d’voir que notre simple pitance d’artilleurs, peut plaire à tant de pauvres bougres des autres corps de la marine ! Fascinant et encourageant à la fois ! Ding, ding ! Fait la clochette de la cambuse, c’est l’heure, pour les ouvriers, d’faire la queue, gamelle en main, devant l’cambusier du bataillon. Au menu : Soupe transparente de dispersé d’choux et légumes très avariés, agrémentée d’jus d’viande, mais de quelle bête ? La Garouille se refuse à divulguer le nom de ses fournisseurs, et les recettes de son arrière grand’Pa, Maître-Coq sur le vaisseau Le Bucentaure, à Trafalgar. Et là, j’comprends d’un coup qu’le Nelson n’est pour rien dans c’désastre naval.



14H00. La chaleur intense de ce début d’après-midi a fait fuir les habitants du coin, préférant l’ombre et les boissons fraîches, aux effluves de transpiration des fiers guerriers que nous sommes, et qui vont rôtir sous le même soleil de plomb qu’à Saint-Jean-d’Âcre, aut’ fois. Après la prise du frugal repas de midi, les estomacs repus de rien-dedans, nos ouvriers se sentent contraints d’aller s’étendre sous les arbres, histoire de mourir avec dignité, de la faim qui les guette. Quelques hussards, désespérés de ne pouvoir boulotter les « steaks » qu’ils montent, les rejoignent et s’allongent de désespoir, souhaitant que la grande faucheuses toute de noire vêtue, viendra, prendre leurs âmes et estomacs, pour les emporter vers un fast-food céleste tenu par un écossais bien connu du Tout-là-haut. Mes canonniers de marine imitent leurs camarades et s’allongent aussi à l’ombre, mais pas pour les mêmes raisons, car les gilets déboutonnés de leur bedon arrondi annoncent une digestion, disons, plus difficile. Quelques images prises sur le vif, bien que le mot ne convient pas bien à la situation, témoignent que ces pauvres corps, étendus dans des positions grotesques, probablement sans vie, sont décédés de la disette collective. Un silence de mort, à peine troublé par les rires…heu… pleurs des veuves, plane sur ce lieux maudit. Amen !



15H30. Not’ commandant suprême, Lumière-Céleste, sort de sa tente où il a longuement réfléchi sur son lit de camp. Il a d’immenses pouvoirs, transmis de pères en fils depuis ouh, là là … ! Bien longtemps, par le Tout-là-haut-barbu, et se dirige vers ce qui semble être un charnier, mais sans les odeurs, quoi que ! Et levant sa célèbre canne à tête d’aigle, il prononce cette simple phrase : « Debout les morts ! » ajoutant « et qu’ça saut bande de moules ! » Ce rajout n’a pas été repris dans les écrits de l’Apocalypse de l’apôtre saint Jean. « Branle-bas de combat ! » complètent les sergents, et miracle absolu, tous se lèvent promptement et filent s’équiper. Toute Vieille-Moustache de sergent légionnaire que je suis, j’en frisonne encore tellement il m’épate not’ Dieu à nous aut’.

Le public est de retour, les troupes manœuvrent comme à l’exercice, les salves se succèdent au grand plaisir des visiteurs. Not’ commandant charge les sergents et caporaux des relations avec les civils, afin d’expliquer les fonctions de chacun dans nos unités respectives, tandis qu’il restera en retrait dans sa tente, à observer le travail de chacun et recevoir parfois la visite de curieux.



19H00. Monsieur le maire est content, il vient de tirer son coup -Attention, pas de malentendu, il s’agit … de canon ! - et ce n’est pas à la portée de tous les péquins du monde. Le poids des traditions, chez les canonniers, a beaucoup d’importance, et tout comme ses prédécesseurs, le premier magistrat de la commune a subi, sans broncher, le traditionnel baptême au noir de carbone. L’inflation, la hausse de la TVA sur les poudres et salpêtres, la crise monétaire européenne, la guerre des Russiens en Ukraine, ont fait que nos soldats n’ont pas lésiné sur le bariolage intensif facial de l’édile local. Voyant cette scène attrayante pour le bas peuple, son épouse a refusé catégoriquement de tirer son coup, le noir sur ses cils lui semblant suffisant sur son gracieux visage.



20H00.Ding, ding, ding ! C’est l’heure de la soupe. Pour nous aut’ canonniers, le menu de ce soir se composera d’une simple salade périgourdine déglacée au vins de Xérès, d’un fromage onctueux et crémeux au lait de brebis des Hautes-Alpes, d’œufs, façon grand’mère, à la vanille des îles. Le tout accompagné de boisons de thé glacé et de vins de Bordeaux de derrière les fagots. Nous sommes en soirée, il nous faut souper léger. Toutefois pas aussi léger qu’celui qui sera servi aux autres camarades qui font la queue à la cambuse régimentaire. Un canonnier de marine ne compare jamais son assiette avec celles des autres corps, il sait rester compréhensif face à la détresse culinaire des simples troupiers, fussent-ils de la marine.



23H00. Il est ordonné aux canonniers de marine, dont la forme physique semble excellente, par rapport aux autres marins, de patrouiller dans et aux abords du cimetière local, afin de vérifier si les défunts sont tous bien « défunts » et pas des insoumis à la conscription. Lanterne en main, not’ chef, not’ Du Guesclin, sans peur et sans reproche, à nous aut’, nous accompagne dans cette mission périlleuse de reconnaissance, et pour paraphraser un gus nommé Corneille : « Nous partîmes à 8, mais par une prompte fuite, nous nous vîmes à 5 en revenant d’chez les morts ! ». En effet, trois de nos braves compagnons ouvriers, dont un s’était armé d’une hache, les autres de sabres, ne faisant appel qu’à leur lâcheté devant la pénombre mortifère de ce cimetière, prirent silencieusement la poudre d’escampette, à quelques mètres de l’entrée du sombre lieu de repos des trépassés.



0H00. Retour de la patrouille, RAS, les défunts sont bien défuntés et reposent tous à cinq pieds sous terre. Personne n’a répondu à nos questionnements. C’est l’heure d’aller fermer ses paupières. Je salue not’ commandant, et prend congé, avant d’me glisser sur ma chère paillasse. Il semble qu’un de mes canonniers s’est pris pour un scieur de long durant un moment. Son tronc d’arbre coupé, il s’est rendormi en silence. Bonne nuit !





Dimanche 28 mai :

6H00.Plan, plan, plan ! Diane et réveil. Soufflage sur les braises pour redonner vie à ma Goulue. Café-noisette, gâche vendéenne dorée à la flamme, pain de seigle frais, beurre demi-sel du Poitou-Charentes, confiture de fraises des bois du Gers, divers fromages de nos régions, sont disposés sur notre petite tablée (N° 2).



7H00. Re-plan, plan, plan! Réveil de la troupe en bordel-couvré. Plus loin, vers le tivoli d’la cambuse, on cherche désespéramment la caisse (petit déjeuner) dans laquelle devraient se trouver le café lyophilisé en poudre, les sachets de sucre, la bouteille de lait, le beurre liquide, les allumettes pour le gaz etc. On entend des grommellements du genre : « Putain d’merde, où est le pain ? », « j’ trouve pas l’café ! », « Mais qui a pris l’fromage, nom de Dieu ? », « L’feu est éteint, c’n’est pas possible, ça ! », « C’est l’bordel dans c’te tente ! » etc. Notre commandant, ignorant depuis longtemps ces commentaires ordinaires et communs à toute troupe en campagne, est convié à prendre un petit café-noisette bien chaud accompagné de tartines de gâche légèrement grillée et pas cramée, beurrée et confiturée par nos soins, sur lesquelles siège, un dé de fromage frais, vieille tradition wallonne, nous dit-il.



De 8H00 à 10H00. Dépouillage, rangement du camp, corvées diverses, exercices, ballades pour les cavaliers. Arrivée progressive de la populace locale. Plus loin, les cuisiniers civils s’affairent pour faire rôtir de la volaille et préparer les repas pour la fête du village. Je profite de ce moment de paix dominicale pour aller caresser mon Namoi de canon, et faire les préparatifs pour qu’il s’amuse un peu en matinée.



10H00.Plan, plan, plan ! Rassemblement. Salut et attribution des actions à mener aujourd’hui. Les rangs sont rompus, et chacun vaque à ses occupations respectives. Manœuvres, exercices de pied ferme ou en mouvement avec la baïonnette. Tirs etc. Not’ canon donne aussi de la voix et surprend les visiteurs. Bref ! Tout bouge jusqu’à midi.



12H00.Ding, ding, ding ! Résonne la clochette du cambusier. La troupe file faire la queue à la cambuse, à leurs mines déconfites, il n’y aura pas au menu du porc asiatique au caramel de chez madame Lim-a-Ongue, de la dinde farcie au miel d’abeilles du Bénin, accompagnée de patates frites à la graisse de cheval, façon boulonnaise. En fait, je n’sais point c’qu’il y a à manger chez les ouvriers et matelots. Pour nous aut’, l’élite des troupes de marine les Bigors vendéens du 3ème Rama on reste sur du simple, du standard : Omelette soufflée Catalane à la charentaise, et fromages de nos régions. Magnanimes et généreux, comme le sont tous les canonniers de marine, et pour ne rien jeter dans la poubelle grise « Restes alimentaires », nous consentons à offrir nos reliefs de nourriture aux marins. Bien entendu, et par sécurité pour nos précieuses phalanges, nous chausserons nos traditionnels gants triple-cuir.



14H00. De même qu’hier, le soleil de plomb et un frugal repas, même complété de nos miettes de restes, achèvent nos marins et cavaliers qui vont de nouveau se laisser périr sous les arbres jusqu’à ce que not’ Dieu de chef les ressuscitent d’un geste ample et auguste du semeur.



14H30.Réssucitement des « morts », et démonstrations diverses, tant de cavalerie (courses de tête, charges etc.) que d’infanterie et d’artillerie. Puis, nettoyage des armes.



17H00.Plan, plan, plan ! Rassemblement, salutations d’usage et remerciements au maire, M. Duret et à ses aimables administrés. Il est décidé de recommencer l’aventure, mais la fois prochaine on rappellera le souvenir du vaisseau Le Régulus qui s’est glorieusement sabordé en 1814 dans la Garonne, pour ne pas être pris par les Anglais, l’équipage étant celui que nous représentons (l’ex 44ème de Flottille) et qui a fait toutes les campagnes de l’Empire auprès des OMM. Démontage de cet Almeida charentais de campement, nettoyage du site et retour à nos dépôts respectifs.



Rapport comptable sur les consommations :

14 tirs de canon.

92 tirs de fusils.

0 Incident.



Remerciements:

Un grand merci à la commune d'EPARGNES, à son sympathique et napoléonien maire, M. Frédéric Duret, son conseil municipal et à tous ses bénévoles. Merci aussi à tous les camarades (hommes & femmes) ouvriers, matelots et canonniers du Garde Chauvin, ainsi qu’aux compagnons du 2ème Hussards sous la direction de notre ami Olivier Joulin.



Veuillez trouver ici, Mon Commandant, mon journal de marche, sans aucune menterie, écrit en parfait et compréhensible français, sans faute, ni omission, … enfin j’l’espère !


Avec mes plus plates, courbées et respectueuses considérations.


Mais Vive l’Empereur !


Sergent Fred dit Tire-Bourre

logo d'artillerie de marine




Texte d’origine : Fred, dit sergent canonnier Tire-Bourre. Transformation et modifications : Daniel dit Lumière-Céleste. Corrections diverses : Christelle dite La Royale et Benoit dit Main-Gauche.


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